Fly with me (2/7)

Le premier jour de mon affectation en tant qu’ouvrière dans un aérodrome militaire de maintenance fut l’un des plus mémorable. Accompagnée d’autres jeunes femmes, nous circulions guidées par un Lieutenant-Colonel chargé de nous guider vers nos futurs postes. Nous étions en plein cœur d’un univers d’hommes, d’avions et de guerre. Avec notre infériorité numérique, nous nous sentions facilement intimidées et les sifflements des soldats et des pilotes n’arrangeaient rien. L’aérodrome était gigantesque, possédant quelques 10 hectares et de nombreux avions. On nous installa dans une petite pièce et le Lieutenant-colonel fut remplacé par un autre homme, semblant plus accueillant. Pourtant cet homme allait droit au but : nous étions les femmes ouvrières. «L’homme part à la guerre, les femmes assurent les arrières.» Séparées en duos, nous nous trouvèrent sous la charge d’un sous-officier qui immédiatement nous emmenèrent sur notre lieu de travail. Cécile (c’était le nom de ma coéquipière) et moi arrivâmes dans un immense hangars. Il nous invita directement à commencer notre travail d’apprentis. Qui aurait-cru qu’un jour on me chargerait de réparer ou d’assembler des pièces d’avion ! C’était un monde jusque là inconnu à mes yeux, mais je fus étonnement surprise de l’admiration directe que j’ai pu éprouver à l’instant même où je suis rentrée dans cet hangars où circulait de nombreuses personnes, dans un rythme effréné. Tout était rangé et disposé dans un ordre bien précis. Il fallait apprendre de nouveaux termes techniques, utiliser de nombreux outils et s’adapter au rythme militaire. Désormais, nous irions travailler tous les jours dans cet endroit.
Le soir, Cécile et moi rejoignirent le dortoir où se trouvaient nos autres coéquipières. Chacune expliquait sa journée, toutes enthousiasmées les unes que les autres. Après un repas assez strict et l’heure du couvre feu sonné, chacune de nous s’installèrent sur nos couchettes, sombrant immédiatement dans un sommeil profond. Je me souvenais de mon tout premier rêve cette nuit-là : je volais.
Les jours, les semaines passèrent, et nous étions désormais capables de nous débrouiller seules. Certaines journées se résumaient à travailler sur quelques retouches au niveau d »un moteur, d’une aile… et d’autres journées étaient plus chargées, nous donnant du fil à retordre. Certains week-end, nous avions le droit de sortir nous détendre et nous retrouvions dans une petite guinguette. Mais ce genre de soirée ne m’intéressait pas et je profitais d’être seule pour écrire à ma famille. Je me souvenais avoir écrit à ma famille que nous remarquions des changements autour de nous, que les personnes semblaient de plus en plus agitées et que l’ambiance n’était plus la même. Bien entendu, nous n’étions pas si crédules : nous savions que la guerre faisait rage et que certains pilotes ne revenaient jamais ici. Un soir, c’est une camarade en larme qui nous appris la mort de son amant, un pilote avec qui elle avait fait connaissance à son arrivée. Le travail devenait de plus en plus rude et acharné. A croire que nous étions arrivées au bon moment pour notre apprentissage car nous aurions été inutiles.
Un jour, le travail était si dense que nous étions obligées de nous occuper d’un avion par personne. Le Lieutenant-Colonel était toujours derrière notre dos, nous assommant d’ordres et nous rappelant du temps imparti. Nous n’allions pas aussi vite qu’il le souhaitait et parfois la vitesse engendrait des accidents. L’avion sur lequel je m’occupais avait un dysfonctionnement au niveau de l’hélice. Le pilote en avait besoin pour les prochaines heures, il devait partir pour l’Angleterre. Je faisais tout mon possible pour qu’il soit prêt à temps. A toutes mes opérations, j’arrivais toujours à finir de justesse mes réparations, ce qui me valait de temps en temps les félicitations de mon supérieur. Mais ce jour-là était différent et je sentais que cet avion me causerait des soucis. Quelques minutes avant le départ du pilote, j’étais toujours affairée sur cette hélice et le pilote emmagasinait déjà ses affaires dans l’avion. Il me demanda si son avion était prêt, et je lui répondis qu’il ne me manquait plus qu’à resserrer quelques vis. Malheureusement, le bruit extérieur des avions mais aussi des autres réparations ne permit pas au pilote de m’entendre. Il monta dans son avion et commença à démarrer. J’étais toujours du côté de l’hélice. J’entendis Cécile hurler, me disant de partir. Puis je vis que l’hélice commençait à tourner. C’est là que je compris. Tout se déroula très vite. J’eus le temps de m’extirper de l’hélice et de sauter hors de sa portée. Je m’effondra sur le sol, en un seul morceau. L’avion avança, sortit du hangars et se dirigea vers la piste de décollage. Soudain je fus prise d’une immense douleur, portant une main sur mon bras. En l’enlevant, je découvrit avec horreur qu’elle était ensanglantée. Puis je vis autour de moi une marre de sang. Malheureusement, l’hélice avait heurté mon bras, ce qui me laissa une blessure profonde tout le long de mon bras. A première vue, il semblait que mon os ne soit pas touché mais je perdais énormément de sang. Je fit une compresse, voulant arrêter l’hémorragie. Ma tête tournait et je commençait à voir trouble. Je fis signe aux personnes autour de moi que j’avais besoin d’aide. Hanna se précipita vers moi, le visage effrayé et traumatisé. Ma tête heurta le sol, je n’entendais plus rien. Un frisson parcourra tout mon corps et je fus atteinte de plusieurs spasmes. Je n’avais plus de contrôle. Mes yeux se fermèrent lentement et mon rythme cardiaque s’affolait. Avant de perdre totalement connaissance, je m’agrippa sur l’une des personnes qui se trouvait autour de moi et fus capable de discerner une dernière chose : K.A.I – 88.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer